Offrir son temps – ces bénévoles qui entourent des personnes atteintes de démence
« Ils ont un grand sourire quand j’arrive et leurs yeux pétillent. »
Interview avec Christiane Lebrun, bénévole de l‘Hôpital Intercommunal Steinfort, qui accompagne des personnes atteintes de démence dans une maison de soins à Steinfort.
Par Maiti Lommel, Coordinatrice du IZD
Madame Lebrun, depuis 14 ans vous accompagnez bénévolement des personnes âgées dans une maison de soins. Que faites-vous ?
Au début, j’ai rendu visite aux résidents individuellement dans leurs chambres une à deux fois par semaine. Je me suis présentée, et de fil en aiguille, une relation s’est développée. Ils étaient contents d’avoir quelqu’un en face qui les écoutait. Les personnes atteintes de démence vivent parfois dans le passé et elles me racontaient un peu leur histoire, m’expliquaient leur vie d’avant et leur métier. J’ai bien vu alors qu’elles revivaient. Pour moi c’est toujours un bel échange et j’ai beaucoup de respect pour ces personnes. Je les ai toujours considérées comme des personnes adultes et non pas malades.
Cet après-midi vous allez accompagner le «Staminet», c’est quoi exactement ?
Une fois par semaine, le matin, un groupe de résidents fait des gâteaux avec les éducateurs. Et l’après-midi nous nous mettons tous ensemble autour d’une grande table pour déguster ces gâteaux et boire une tasse de café. J’aide à servir les résidents et c’est très convivial. Après il y a des groupes qui se forment: certaines personnes retournent dans leurs chambres pour se reposer, d’autres personnes veulent jouer des jeux de société et d’autres encore préfèrent juste parler. Nous trouvons toujours des sujets à discuter et c’est très gai de passer ce moment ensemble.
Quelles autres activités faites-vous avec les personnes atteintes de démence ?
Il y avait une personne avec qui j’ai joué à «Mensch ärgere dich nicht». Cette personne était encore très douée et se souvenait parfaitement des règles de jeu. C’était marrant parce que son but était toujours de me battre. Elle était tellement contente de m’expulser du jeu. C’était touchant parce que c’était son plaisir. Dès que j’arrivais elle me souriait et elle me reconnaissait. D’abord on parlait un peu et après on jouait. Elle me racontait qu’elle avait été garde-barrière et que c’était une grande responsabilité à l’époque.
Avec une autre personne c’était plus la discussion. Elle me connaissait du village et à chaque fois elle me disait «Je vous reconnais, vous êtes Christiane. Et vous êtes mariée et vous avec deux enfants et quatre petits-enfants.» Elle était contente de se souvenir. Cette personne aimait beaucoup les fleurs et alors on parlait des fleurs qu’elle avait dans son jardin. Il faut toujours trouver un sujet qui intéresse la personne, alors ça leur fait plaisir de raconter et d’en parler.
Qu’est-ce qui vous semble important dans l’accompagnement de personnes atteintes de démence ?
A mon avis il faut être attentif à leurs besoins et envies et les considérer comme des adultes. Leur montrer qu’elles ont de l’importance. Ça me fait beaucoup de plaisir de les accompagner parce que j’ai l’impression que cela leur fait plaisir aussi. Quand j’arrive dans leur chambre, elles ont un grand sourire et sont vraiment contentes. Et quand je pars elles prennent mes mains. Il faut les accepter comme elles sont et rentrer dans leur jeu. Comme elles vivent dans le passé, je les oriente un peu et les encourage à se souvenir. Mon regard c’est la tendresse. C’est important d’être doux avec ces personnes.
Vous avez l’air de prendre beaucoup de plaisir dans cet accompagnement.
Ça me fait un bien fou de venir ici. Quand j’entre ici, je n’ai plus de soucis. J’attends toutes les semaines avec impatience de venir et de les revoir.
Un jour je suis arrivée à la chambre d’une dame et elle avait tout préparé: des tasses de café – sans café, parce qu’elle ne savait plus comment utiliser la machine −, du sucre et des gâteaux. Je lui ai dit «Vous attendez quelqu’un?» et elle m’a répondu «Mais oui. Toi.». Cela m’avait fait beaucoup plaisir.
Lorsque je m’installe sur une chaise en face d’une personne, je vois tout de suite si elle est intéressée parce que ses yeux pétillent. Souvent les gens sont seuls et sont très contents d’une telle petite visite.
Y a-t-il parfois des moments plus difficiles ?
Une fois quand je suis arrivée chez une dame que je connaissais, elle avait son manteau et elle était prête pour partir. «Ah, tu vas faire une petite sortie?» «Oui, je vais à l’enterrement de mon oncle. », me disait-elle. Je savais que cet oncle était décédé depuis longtemps, mais je ne voulais pas la brusquer en lui disant que ça ne collait pas. Je lui disais donc: «Oh, je n’étais pas au courant. Viens, on s’assoit un peu et alors tu me racontes qui était cet oncle et ce qui s’est passé.» On s’est installées et elle m’a raconté un peu et vite oublié qu’elle voulait partir. Dans ces situations il est essentiel de rester très calme et de montrer de la compréhension.
Cependant, un des enfants de cette dame, qui venait régulièrement lui rendre visite, avait du mal à accepter la maladie. Cette personne était très nerveuse quand elle venait la voir et ça ne se passait pas toujours très bien. Bien que la personne ne fît pas exprès, son comportement me faisait quand même de la peine. Je pense qu’elle avait peur de la maladie et n’a pas su y faire face. Cette dame répétait souvent la même chose et ça rendait encore plus nerveuse la personne qui lui rendait visite. Il faut savoir qu’il ne faut pas dire à une personne atteinte de démence «Arrête de répéter tout le temps la même chose.» Ceci ne ferait que compromettre et frustrer la personne.
Quand un autre résident qui répétait souvent la même chose me demandait: «Est-ce que je vous l’ai déjà dit?» j’ai répondu «Oui, oui, mais ce n’est pas grave.» Je le prenais à la légère, mais gentiment et en rigolant. Et à la fin il en rigolait aussi.
Qui est Christiane Lebrun ?
Christiane Lebrun est âgée de 63 ans et habite à Steinfort. Elle est mariée, a deux enfants et quatre petits-enfants. A l’époque elle était cuisinière dans une ambassade au Luxembourg et après avoir élevé ses enfants, elle a gardé d’autres enfants dans son foyer. Depuis 2010, Christiane fait du bénévolat dans la maison de soins de l’Hôpital Intercommunal de Steinfort (HIS). Comme elle habite tout près de cette maison de soins, elle voyait régulièrement le personnel de soins promener les résidents en chaises roulantes dans le parc et ça lui a donné envie de se lancer dans un bénévolat avec des personnes âgées. Elle veut donner de son temps pour ces personnes qui sont parfois très seules.
Hôpital Intercommunal de Steinfort
L’Hôpital Intercommunal de Steinfort est un établissement qui regroupe un service de rééducation fonctionnelle gériatrique, une structure d’hébergement pour personnes âgées et un centre de jour spécialisé prenant en charge des personnes âgées en perte d’autonomie physique ou présentant des troubles cognitifs.
Plus d’informations sous www.his.lu.