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15 mai 2024

Offrir son temps – ces bénévoles qui entourent des personnes atteintes de démence

« Il s’entraîne aux échecs, c’est un véritable projet pour lui. »

Une interview avec Georges Khallouf, bénévole du service IRIS de la Croix Rouge et qui accompagne Monsieur A., atteint de démence.

Par Christine Dahm-Mathonet, Chargée de direction du IZD

Georges, depuis 2021 tu accompagnes bénévolement Monsieur A., atteint de démence. Parle-nous de lui.
J’ai rencontré Monsieur A. à travers le service IRIS de la Croix Rouge. A. est âgé de 74 ans et habite chez lui avec son épouse. Je me suis aperçu que A. avait beaucoup de talents − la musique, la peinture, les arts en général − et qu’on avait des centres d’intérêt communs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le service IRIS m’a mis en relation avec lui. Malgré les restrictions COVID en vigueur à ce moment (masques et tests PCR avant chaque visite), le contact avec A. et sa famille s’est fait facilement. ll était très motivé.

A. a des troubles neurocognitifs qui font qu’il a des difficultés à prendre le contrôle de son corps, à se concentrer ou à se souvenir. Ces troubles ne se manifestent pas tous les jours de la même manière et il y a des moments où il va mieux que d’autres.

Avec la maladie progressant, A. s’intériorise et est de plus en plus dans ses pensées. Mais comme je le connais depuis 2021, je le comprends de mieux en mieux. Le fait que nous ayons les mêmes intérêts, je sais facilement suivre une conversation avec lui.

Que faites-vous ensemble ?
Au début, nous avons essayé différentes activités pour trouver celles qui lui correspondaient le mieux. Nous avons fait des courtes promenades dans la nature, mais les chemins devenaient difficiles pour lui. Après, j’ai découvert qu’il s’intéressait au jeu d’échecs et au Mikado. Et puis nous parlons beaucoup de cathédrales et de leurs sculptures. Chaque fois que je vais lui rendre visite, nous parlons d’une cathédrale en particulier, de son histoire et de ses sculptures. Entre deux visites, il effectue des recherches sur ces cathédrales et les partage avec moi. Et lorsque je visite un de ces lieux avec ma petite fille, je lui raconte ce que j’ai vu.

Notre intérêt pour l’art et l’architecture, la peinture, la musique est un de nos terrains d’entente. Nous l’avons découvert avec le temps, cela a émergé de nos conversations. Nous nous sommes apprivoisés et des liens se sont tissés, aussi avec sa famille.

Comment est-ce que les troubles cognitifs de A. se font ressentir ?
Je sais que l’état de A. ne va pas s’améliorer. Mon objectif est de l’aider à maintenir au mieux ses capacités cognitives et de proposer des activités où il doit entraîner sa mémoire. C’est pour cette raison que je lui ai proposé de jouer aux échecs. Réfléchir, changer de stratégie, réagir aux mouvements du jeu est un défi. Le jeu d’échecs n’est pas facile mais le but est de passer un bon moment ensemble – peu importe qui gagne. Quelque temps après il m’a cependant avoué qu’entre mes visites, il s’entraînait avec son IPad pour améliorer sa concentration et son jeu (rires). C’est génial, il est motivé de se préparer avant ma prochaine visite. C’est un projet, un véritable encouragement pour lui.

Notre relation a évolué d’une relation bénévole / bénéficiaire vers une relation plus familiale.

Tu as donc réussi à le motiver.
Je crois qu’avec le temps, A. arrive à mieux accepter ses conditions et ses défis. C’est plus difficile pour son épouse que pour moi car elle est à ses côtés 24h tous les jours. Pour moi cependant, qui le voit pendant trois heures toutes les deux semaines, c’est plus facile d’entendre et de réentendre les mêmes histoires. A. est content d’avoir mes visites, de rencontrer quelqu’un. Pour la famille aussi, c’est bien qu’une personne tierce soit là de temps en temps pour le sortir de son quotidien.

Quelle est ta relation avec la famille ? Comment voitelle ton accompagnement ?
Lorsque j’arrive dans leur maison je fais un point avec la famille et son épouse me raconte si l’état de A. a changé. La famille comprend bien que je joue un autre rôle, j’ai une autre relation avec lui et cela leur fait du bien également. Ils voient les effets bénéfiques pour A. et s’en réjouissent. Sa famille a partagé avec moi la langue et culture luxembourgeoise, et moi je partage la mienne avec eux.

Est-ce que ton accompagnement a évolué dans le temps ?
Il y a des jours où A. est plus motivé et où il sort sa guitare. Ce sont des moments très émouvants car il partage avec moi des choses très personnelles, comme p.ex. des chansons qu’il a écrites pour son épouse. Et lorsqu’il chante, son épouse le rejoint parfois et chante avec lui. Ce sont des moments et rencontres extraordinaires. Souvent aussi nous parlons de choses que nous voulons encore absolument réaliser dans la vie. C’est aussi un sujet d’espoir très émotionnel et profond car nous parlons avec notre âme. Être réellement avec une personne et parler de choses personnelles est justement ma motivation: donner une valeur-ajoutée et stimuler la personne à faire des efforts de penser, d’imaginer, de réfléchir, de se projeter.

Comment ton bénévolat a changé ton regard sur les personnes atteintes de démence ?
J’avais déjà accompagné des personnes âgées bien avant mon bénévolat avec A. Ce qui me fascine c’est que ces personnes sont un trésor d’informations et d’expériences de vie. Parfois elles parlent pendant des heures et soudainement, il y a une petite phrase qui te touche, qui te paraît essentielle, qui témoigne d’une expérience de vie que tu ne retrouveras dans aucun livre. Je considère ces échanges comme extrêmement précieux et je me sens honoré. C’est un cadeau très touchant, réalisé grâce à une relation de confiance qui s’est construite au fur et à mesure des accompagnements.

Le plus important en tant que bénévole est de ne pas avoir d’attentes. Lorsque je suis là, sans guider ou vouloir atteindre quelque chose, je peux découvrir plus que je ne croyais.

Qui est Georges Khallouf ?
Georges Khallouf, âgé de 44 ans, habite au Luxembourg depuis 2018 avec sa fille âgée de douze ans. De nationalité syrienne, il travaille dans un bureau d’études d’ingénieurs-conseils au Luxembourg.

A son arrivée au Grand-Duché, il a voulu participer à la communauté luxembourgeoise pour mieux comprendre la culture, les personnes et s’engager dans sa nouvelle vie. Il a commencé sa collaboration avec le service d’interprètes interculturels de la Croix Rouge et peu après avec le service IRIS. Être bénévole l’a aidé aussi à trouver de nouvelles perspectives dans la vie durant des périodes difficiles.

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