Lecanemab – les points clés du nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer
Par Dr Maiti Lommel, coordinatrice du Info-Zenter Demenz, pour le FHL info − revue hospitalière luxembourgeoise (n°63)
Lecanemab – de quoi s’agit-il ?
Le lecanemab est un anticorps dirigé contre la protéine bêta-amyloïde. Il est utilisé comme médicament d’immunothérapie contre la maladie d’Alzheimer chez laquelle des dépôts d’amyloïde dans le cerveau sont suspectés d’être parmi les causes possibles de la destruction des neurones.
Commercialisé aux États-Unis depuis 2023 sous le nom de Leqembi pour traiter la maladie d’Alzheimer à un stade précoce de la pathologie, le lecanemab vise à ralentir le déclin cognitif en début de maladie. Après un refus initial, le comité d’évaluation des médicaments à usage humain de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a recommandé en novembre 2024 d’autoriser la mise sur le marché du Leqembi sur le territoire de l’Union européenne, cependant avec des restrictions claires. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) devra cependant encore être validée par la Commission européenne.
Précisions sur le nouveau médicament
Pour quels patients ? Les anticorps anti-amyloïdes ne peuvent être utilisés qu’aux stades précoces de la maladie d’Alzheimer, lorsque les capacités cognitives ne sont que faiblement altérées (trouble cognitif léger/MCI ou démence au stade précoce). Comme le lecanemab agit de manière ciblée contre les dépôts amyloïdes, son utilisation n’est judicieuse que pour la maladie d’Alzheimer avec présence de dépôts amyloïdes dans le cerveau, et non pour d’autres formes de démence. La présence des dépôts amyloïdes doit être confirmée. Ceci peut se faire au moyen d’une ponction lombaire ou d’une tomographie par émission de positrons amyloïdes (TEP amyloïde). Dans un avenir pas trop lointain, la détection de l’amyloïde devra également être possible via une analyse sanguine.
Effet : Pendant la durée d’un an et demi de l’étude Clarity-AD1, le lecanemab a permis de repousser les symptômes de la maladie d’environ six mois en moyenne. L’étude a montré que le lecanemab avait un meilleur effet chez les hommes que chez les femmes et un meilleur effet chez les personnes âgées que chez les jeunes (meilleur effet chez les personnes ≥ 75 ans, effet moyen chez les personnes entre 65-74 ans et effet le moins prononcé chez les personnes ≤ 65 ans).
Administration, durée de traitement et suivi : Le lecanemab doit être administré par perfusion intraveineuse toutes les deux semaines. La perfusion dure environ une heure, suivie d’une période d’observation. La meilleure durée du traitement n’est pas encore claire à l’heure actuelle. Dans un premier temps, le traitement sera poursuivi pendant un an et demi, comme dans l’étude Clarity-AD, à condition qu’aucun effet secondaire nécessitant l’arrêt du traitement ou une pause ne survient. Durant la période de traitement, le patient doit régulièrement se soumettre à des examens par IRM pour détecter à temps d’éventuels effets secondaires.
Effets secondaires possibles : Les effets secondaires les plus fréquents du lecanemab survenus au cours de l’étude Clarity-AD ont été des réactions liées à la perfusion (chez 26 %, p. ex. fièvre, frissons, éruptions cutanées, nausées, augmentation de la pression artérielle) et des maux de tête. Chez 13 % des participants qui ont reçu du lecanemab, la substance active a provoqué des gonflements cérébraux limités (œdème cérébral), et chez 17 % des hémorragies − généralement petites − du cerveau. Dans la majorité des cas, les modifications cérébrales n’étaient détectables qu’à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau et ne provoquaient aucun symptôme clinique. Chez environ 3 % des participants qui ont reçu du lecanemab, un gonflement du cerveau s’est toutefois accompagné de symptômes cliniques, le plus souvent des maux de tête, des troubles de la vision et de la confusion. Chez 0,7 % des participants traités par le lecanemab, une hémorragie cérébrale importante s’est produite, accompagnée de symptômes neurologiques parfois graves.
Contre-indications : Dû au risque d’effets secondaires, certains patients sont d’office exclus et ne peuvent pas recevoir un traitement avec le lecanemab : des patients avec des œdèmes cérébraux préexistants ou avec un certain risque d’hémorragies cérébrales ou d’infarctus cérébral ; des patients possédant deux copies du gène ApoE4 ; des patients avec certaines maladies auto-immunes ou avec des troubles de la coagulation sanguine ou prenant des anticoagulants. En plus, en raison des examens préliminaires et des contrôles nécessaires par IRM, il ne doit pas y avoir de contre-indications aux examens par résonance magnétique (claustrophobie, stimulateur cardiaque, métal dans le corps).
Ces contre-indications réduisent significativement la population cible du médicament.
Coût et accessibilité du diagnostic, traitement et parcours de soins
Le coût annuel du médicament pour un patient est actuellement estimé aux États-Unis à 26.500 dollars US par patient (environ 24.800 euros)2.
Des estimations montrent que les systèmes de santé actuels de nombreux pays ne permettent pas de fournir les diagnostics nécessaires à la prise de décision pour ou contre le traitement anti-amyloïde β, et cela dans un délai adéquat qui ne devrait pas dépasser six mois étant donné la nature progressive de la maladie d’Alzheimer3. De plus, même si uniquement une petite proportion des patients atteints de la maladie d’Alzheimer pourra bénéficier du nouveau traitement, d’importantes ressources et infrastructures seront nécessaires en matière de conseil, de fourniture de traitements et de suivi par IRM.
Et de nombreuses questions restent en suspens…
- Comment évolue l’effet du lecanemab sur une période prolongée ? L’évolution de la maladie peut-elle être retardée de plus de six mois en moyenne si le lecanemab est administré pendant plus d’un an et demi ?
- Les effets secondaires et les risques augmentent-ils ou diminuent-ils en cas de prise prolongée ?
- Comment la maladie évolue-t-elle après l’arrêt du médicament ?
- Une combinaison du lecanemab avec des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase et/ou avec la mémantine serait-elle judicieuse ?
- Le médicament serait-il éventuellement encore plus utile à un stade encore plus précoce ? Un dépistage de routine serait-il alors utile à partir d’un certain âge ?
- Après la mise sur le marché, comment mettre en place et financer les ressources nécessaires au diagnostic, à la fourniture des traitements et au suivi par IRM ?
- Comment assurer un accès équitable au médicament ?
Le traitement par anticorps constitue-t-il une avancée décisive ?
Avec le traitement par anticorps nous avons pour la première fois un médicament qui agit sur le mécanisme de la maladie et non seulement sur les symptômes. Ceci marque une avancée décisive dans l’histoire de la recherche contre la maladie d’Alzheimer. Malheureusement pourtant, les médicaments à base d’anticorps comme le lecanemab ne contribuent pas à arrêter et guérir la maladie, mais ils retardent simplement la progression de la pathologie et des troubles cognitifs. De plus, uniquement une petite proportion des patients atteints de la maladie d’Alzheimer pourra bénéficier du nouveau traitement, les effets indésirables ne sont pas négligeables et une surveillance étroite est nécessaire. Pour l’instant, le traitement par anticorps ne constitue donc pas vraiment un avantage décisif par rapport aux médicaments actuels et les interventions non médicamenteuses resteront primordiales afin de stabiliser ou d’améliorer la qualité de vie des personnes touchées par la maladie et celle de leurs proches. Néanmoins, les traitements par anticorps offrent une lueur d’espoir, et espérons qu’un jour la combinaison de différents traitements permettra d’obtenir des résultats encore meilleurs.
Sources
- Lecanemab in Early Alzheimer’s Disease, Van Dyck et al., N Engl J Med, 2023
- Faktencheck Lecanemab (Leqembi), Deutsche Alzheimer Gesellschaft, 2024, https://www.deutsche-alzheimer.de/fileadmin/Alz/pdf/factsheets/Faktencheck-lecanemab-05-2024.pdf
- Passive anti-amyloid β immunotherapy in Alzheimer’s disease − opportunities and challenges, Heneka et al., Lancet, 2024
- Lecanemab: Appropriate Use Recommendations, Cummings et al., J Prev Alz Dis, 2023
- Lecanemab (Leqembi) is not the right drug for patients with Alzheimer’s disease, Markku Kurkinen, NeuroActiva, 2023